jeudi 10 novembre 2016

quelques nouvelles du Musée d'Allevard

Nouveau Musée, Nouveau(x) projet(s) et, pourquoi pas, la réalisation de ce nouvel équipement « fantôme ».

Depuis sa municipalisation et sa labellisation Musée de France en 2006, l’ex « Jadis-Allevard », avec l’aide et le soutien des Amis du Musée (Association fondatrice il y a 41 ans...) continue de veiller sur le patrimoine rural, hydraulique, sidérurgique et thermal de Belledonne.
Dans le cadre de sa réflexion culturelle et touristique, la Communauté de Commune du Grésivaudan, le 1er janvier 2016, a mutualisé les richesses (les professionnels en place et les bonnes volontés) des musées de Pinsot, de la Combe de Lancey et d’Allevard.

Dans un premier temps elle a recruté une attaché de conservation, Claire Drain, chargée d’adapter ce « réseau » à ce nouveau paysage muséographique.

C’est pour faire le point, en particulier en ce qui concerne le Musée d’Allevard, sur une situation qui pouvait paraître confuse, que le personnel du musée et l’Association des Amis du Musée du Pays d’Allevard se sont retrouvés.
de gauche à droite: C. Drain, E. Bosch Camilléri, D. Voisenon, P. Cardin, S. Deneuville, J. Charlot, C. Bachelier, S. Martinet
Apport de dimensions nouvelles, nouvelles mises en lumière des collections  en cohérence avec le projet de réseau, projet qui reste à définir. 
Toutefois il existe un préalable et non des moindres:
le « chantier des collections »: inventaires, conservation préventive, désinsectisation, anoxie, conditionnement, etc.

Déménager un musée n’est pas une mince affaire; ajouter à cela la reconstitution des réserves pour l’approvisionnement des expositions temporaires qui continueront d’être présentées malgré la fermeture partielle en 2017 et sans doute en 2018 d’une partie du musée actuel.

En plus de toutes ces activités, en parallèle le chantier du nouveau site, à savoir l’ancien casino dans le parc thermal. La pré-instruction du permis de construire est réalisée, les validations techniques du projet sont en cours et le budget est défini. Il est fort probable que cela nous mène jusqu'en 2019 ...

Rendez-vous est pris !

D. Voisenon

dimanche 2 octobre 2016

réunion du bureau de l'AMPA

Le bureau de l'AMPA s'est réuni ce vendredi 30 septembre 2016 pour faire le point des activités durant la saison thermale: 


  • les conférences: fréquentation en augmentation: 40 à 45 personnes en moyenne;
  • les visites guidées: bonne fréquentation également
Ces deux animations seront reconduites en 2017.

  • Très bonnes relations avec l'Office du tourisme qui manifeste un très bel esprit de coopération.
  • Très bonnes relations également avec la direction des Thermes via notre participation à l'accueil des curistes toutes les trois semaines.
Concernant notre politique de communication, il nous faudra améliorer - autant que faire se peut - notre affichage, mais aussi revoir la possibilité des annonces sur les panneaux lumineux à l'entrée du village. Notre relation avec Radio Grésivaudan et Radio Fond de France sera poursuivie.

Des négociations ont été menées par le président Voisenon afin de récupérer le marteau pilon de la taillanderie du Moutaret. Une demande de subvention a été faite pour son transport jusqu'aux ateliers municipaux.

Nous sommes toujours en attente d'une meilleure visibilité concernant  la construction du nouveau musée. En théorie, les travaux devraient commencer après la fin de la saison thermale. En théorie...

Divers sujets ont également été traités comme le musée de St Georges d'Hurtières, en grande difficulté.

Les actes du colloque sur "les chemins de l'eau et du fer" de mai 2013 ont été publiés.  Photos et  graphiques en nombre donnent à cet ouvrage un aspect technique sans être par trop scientifique.
Cet ouvrage est disponible au prix plus que raisonnable de 12€.
 Un article écrit par des menbres de l'associaition figure en bonne place dans dans ce recueil.



le bureau de l'AMPA: de gauche à droite: Geneviève Lehman; Serge Martinet; Dominique Voisenon; François Conand; Philippe Cardin; Josiane Charlot, Jean Pierre Macian; Claude Bachelier (crédit photo: Danielle Thomasson)

dimanche 24 juillet 2016

samedi 23 juillet 2016

''l'agriculture dans le Haut Bréda au XIX ème siècle" une conférence donnée par Bernard Giraudy






L’AGRICULTURE AUTREFOIS

DANS LA VALLEE DU HAUT BREDA


COMMENT DES FAMILLES POUVAIENT-ELLES VIVRE

EN QUASI-AUTARCIE ALIMENTAIRE ?





Exemple avec une ferme accrochée au flanc du Grand Rocher

Au recensement de 1856, la vallée du Haut Bréda comptait 2 049 habitants : 904 sur Pinsot et 1 135 sur La Ferrière. Le décompte par profession des adultes indiquait pour La Ferrière :

Cultivateurs
468
76%
Journaliers
27
4%
Domestiques
27
4%
Charbonniers
20
3%
Maçons
8
1%
Menuisiers
8
1%
Douaniers
8
1%
Mineurs
7
1%
Tisserands
6
1%
Meuniers
5
1%
Marchands
5
1%
Couturières
5
1%
Maréchal-ferrant
4
1%
Cafetiers
3
0%
Scieurs
2
0%
Instituteurs (trices)
2
0%
Boulangers
1
0%
Prêtre
1
0%
Tailleur
1
0%
Tabac
1
0%
Modiste
1
0%
Gantière
1
0%
Repasseuse
1
0%
Sage-femme
1
0%
Galocher
1
0%

614
100%

Soit de l’ordre de 150 à 200 « feux », familles de 5 à 8 personnes, dont près de 80% d’agriculteurs. Il y a tout lieu de penser qu’il en était à peu près de même pour la commune de Pinsot. Au total pour la vallée, il y avait donc entre 300 et 350 familles dont 220 à 300 d’agriculteurs.

Des anciens se souviennent de l’agriculture telle qu’elle était pratiquée par leurs parents (première moitié du XX° siècle) et grands parents (fin du XIX° siècle), et par eux-mêmes dans leur enfance et jusqu’au début des années 1950. Elle permettait à leurs familles de vivre en « quasi-autarcie » alimentaire.
Si les cultures étaient dans l’ensemble les mêmes dans toute la vallée, les pratiques se differenciaient entre le fond bénéficiant de terrains peu inclinés et les flancs de la vallée beaucoup plus raides. Sur Pinsot, les terrains peu pentus étaient plus rares.
Nous avons pu, en écoutant des anciens, découvrir comment des famille de 8 à 10 personnes pouvait vivre de sa seule production alimentaire dans le secteur de « Montarmand – Les Burdins ».

Mais plantons d’abord le décor avec un petit rappel historique.

Au XVIIIème et IXème siècles, au moment où l’on comptait plus de 2 000 personnes dans la vallée, il y avait très peu de forêt. Il suffit de se promener dans les forêts actuelles, pour découvrir un grand nombre de ruines : maisons, granges, hameaux entiers comptant jusqu’à 10 maisons + bâtiments annexes.

Sur la carte de Cassini dressée en 1740, le village principal, La Ferrière, est symbolisé par un clocher, les hameaux tels que Grand Tierve (Grand Thiervoz), Montatima (Montarmand) par une maison avec une petite tour et l’habitat dispersé par de simples maisons. On peut en voir dessinés jusque très haut dans la montagne du Grand Rocher.

 Le cadastre de 1825 montre lui aussi que l’agriculture exploitait cette zone jusqu’aux pâturages des Violettes que nous connaissons aujourd’hui. Au dessus des hameaux des Blancs et des Burdins, on y dénombre une vingtaine de bâtiments.

 A la fin du XIXème siècle, malgé les départs assez nombreux vers l’Algérie et les mines d’autres régions ou pays, le Guide Bleu, édition de 1894, décrit encore ainsi ce versant de la vallée : «On arrive au Curtillard (14 kilomètres, source sulfureuse), centre d’excursions dans la vallée du Haut Bréda ; on y jouit d’une vue superbe sur le cirque de montagnes qui ferment l’horizon. De nombreuses maisons blanches et gaies sont éparses sur les flancs du Grand –Rocher qui domine la rive gauche. »


La profusion de bâtiments s’explique par :
·      l’inclinaison marquée des flancs de la vallée,
·      le morcellement des propriétés
·      les temps de déplacement et de transports y étaient longs et difficiles,
·      le temps de travail, temps précieux en période d’intenses travaux agricoles.

Pour limiter les déplacements et transports, il fallait :
·      Abriter les bêtes au plus près des zones de pâture,
·      Stocker les récoltes au plus près des lieux de cultures,
·      Pouvoir se loger au plus près des lieux de travail.

La dispersion de l’habitat principal
Dans ces endroits à fortes pentes, l’une des conséquences est la dispersion de l’habitat principale, les maisons d’habitation permanentes étant aussi construites près des terres exploitées. Dans le fond de la vallée, on trouve des hameaux plus importants, les déplacements pour aller sur les terres étant plus faciles.

Ci-contre, une vue « Géoportail-IGN » du versant « Grand Rocher » de la vallée du Haut Bréda. Le quadrilatère ci-contre va de Montarmand au ruisseau de Cordat, soit environ 4 km. Il y avait :
·      Montarmand (7 habitations),
·      Les Coquands (3),
·      Les Princes (4),
·      les Blancs (2),
·      Raviche (2),
·      Les Burdins (3),
·      Les Roux (2),
·      La Piat (1).

Soit 24 habitations permanentes avec leurs bâtiments annexes (granges de proximités, étables, poulaillers, fraidiers, fours, remises, etc….) réparties sur 8 sites à une altitude comprise entre 1100 et 1200 m.

Cette dispersion était rendue possible par une autre caractéristique de ce secteur : l’abondance de ruisseaux (9) et de sources.

Des maisons d’estive et un grand nombre de granges
Ces maisons étaient situées plus haut dans la montagne, entre 1300 et 1400 m, à une distance 20 à 30 minutes de l’habitation principale. Elles avaient toutes une ou deux granges à proximité immédiate et souvent une porcherie. Le fait de pouvoir y loger faisait économiser des heures de trajets pour venir exécuter des travaux agricoles dans la zone proche.
Exemple : pour des travaux de 3 jours à 4 personnes, le fait de pouvoir dormir sur place faisait économiser : 3 aller-retour x 4 personnes = près de 12 heures de marche.

Ci-dessous, une autre vue de la vallée du Haut Bréda. Au centre, dans le cercle grisé, le village de La Ferrière, sur sa gauche, un petit rectangle bleu.

 La vue ci-dessous est un agrandissement de ce rectangle bleu qui se situe entre Les Blancs et Les Roux (secteur des Burdins) au-dessus de la route, trace blanche sur la photo. Il correspond grosso-mdo à l’emplacement où l’on voit une série de maisons dispersées sur la carte de Cassini et à l’extrait du cadastre de 1825.

Longueur : 700 m
Hauteur : 650 m
Altitude : 1100/1400 m.

Aujourd’hui, entièrement couvert de forêts, nous y avons dénombré les ruines de 5 maisons dites d’estive (utilisées seulement l’été) et une trentaine de granges ou bâtiments mixtes (grange & logement).

 Cela signifie qu’à l’exception de lits de ruisseaux, de terrains particulièrement escarpés ou de zones marécageuses, tout était en terres cultivées ou pâtures.

La nécessité d’un réseau important de chemins
pour relier toutes ces constructions dispersées

Chemins principaux, de 2 à 3 m de large

Deux chemins principaux desservaient les habitations permanentes.
·      L’un venant du Jeu de Paume passait par la Vie Plaine puis Montarmand. Il desservait ensuite Les Coquands, Les Princes, les Blancs, Les Burdins, La Piat. La route actuelle reliant Montarmand et La Piat emprunte un tracé assez proche de cet ancien chemin.
·      L’autre venant de Prémoinet (La Ferrière), avait deux branches, l’une desservant Les Montarmand, l’autre Les Burdins

Ce type de chemin permettait la circulation avec des « barotins » attelés
Barotin à mulet, celui de l’âne était plus petit et sans freins, celui à bras encore plus petit

Chemins secondaires de l’ordre de 1m à 1,5 m de large
Reliant les habitations permanentes aux maisons d’estive et aux granges, ils permettaient la circulation avec des bêtes bâtées, des luges à bras ou traineaux.


Autres chemins divers
Sentes ou sentiers étroits, publics ou privés, anciens chemins de mineurs et charbonniers, ils permettaient la circulation avec des bêtes bâtées et, comme tous les autres, de personnes portant :
·      les traditionnels « grabins » 
·      les bringues à lait
 Citons encore un moyen de trasport pour de courtes distances et du vrac : le casse-cou

Une famille d’agriculteurs en (quasi) autonomie

Grâce aux temoignages de plusieurs anciens de la vallée, nous pouvons nous faire une idée de la manière dont une famille pouvait vivre en quasi autarcie alimentaire . Cette cellule familiale comprenait trois générations sous le même toit :
·      Le père et la mère
·      5 enfants
·      La grand-mère et/ou le grand père.

Tous, y compris les enfants à partir de 6/7 ans, en dehors des heures d’école, devaient participer aux travaux de la ferme.

Passons en revue les sources d’alimentation.

La basse-cour
Entretien dévolu aux femmes et aux jeunes enfants

15aine de poules

Production : cette quinzaine de poules fournissait 1500 à 2000 œufs par an, soit 6 à 8 œufs par jour. Elles étaient élevées pendant environ deux ans, puis destinées à la consommation. Chaque année, au printemps, une des poules était choisie pour couver une douzaine d’œufs (21 jours) pour assurer le renouvellement de celles qui étaient mangées.

Alimentation : vers, insectes, graines diverses, qu’elles découvraient en liberté autour de la maison, et distribution de grain et de pommes de terre.
La nuit et l’hiver, elles étaient rentrées au poulailler à l’abri des prédateurs : buses et aigles le jour et renards et fouines la nuit.

20aine de lapins
Production : Une dizaine de lapins, élevés en cages, étaient destinés à la consommation.

Alimentation : herbe et déchets végétaux de cuisine ou du potager.

L’entretien de la basse-cour était dévolu aux femmes et aux jeunes enfants. Le nettoyage des cages était quotidien, car le lapin est un animal fragile.
Entre les lapins et les poules, la famille pouvait compter une unité par mois pour la consommation.

Les abeilles
Chaque famille avait 4 ou 5 ruches en paille, pour la production de miel. Ces ruches étaient nettement plus petites que les ruches en bois que l’on connait aujourd’hui. Une ruche donnait, selon les années de 8 à 10 kg de miel pour la consommation, 40 à 50 kg

Le potager
Il était préparé par les hommes : retourner et fumer la terre, puis devenait le domaine des femmes : semer, arroser, sarcler, cueillir,…. Les principales productions étaient salades, carottes, poireaux, choux, blettes, oignons, persil, courges,    En bordure contre les grillages de protection, étaient plantés des arbustes à petits fruits tels que groseilliers, cassissiers. Dans chaque potager, un coin était réservé pour faire pousser des chrysanthèmes pour la Toussaint.
Particularité : les choux étaient conservés pour l’hiver, stockés en tas dehors, recouverts de fougères, sous la neige.
Le petit bétail
2 cochons
Deux porcelets de 20/25 kg étaient achetés chaque année pour être engraissés jusqu’à 120/130 kg puis tués : l’un acheté à la foire de printemps, pour être prêt pour Noël, l’autre à la Saint Michel pour Pâques.

Production : 2 cochons de 120 kg = production de 200 à 220 kg de viandes et charcuteries :

Alimentation : petit lait, son, farine de seigle, pommes de terre, déchets alimentaires, betteraves cuites

Il y avait deux porcheries, l’une à la maison principale et l’autre à la maison d’estive. Les cochons montaient en même temps que les vaches, car le petit lait qui servait à leur alimentation était un sous-produit du lait après la fabrication du fromage.

Les deux journées pour tuer le cochon demandaient beaucoup de travail : recueil du sang pour faire les boudins, les saucisses avec choux ou betteraves rouges, découpe de la bête, mise au saloir (40/45 jours), préparation des jambons,   etc. Souvent les voisins venaient donner le coup de main.

8 moutons et 4 chèvres
Production : ces moutons et chèvres produisaient :
o    Du lait, (en moyenne 2 litres par jour pour une brebis, 5 litres pour une chèvre) soit 30 litres par jour. Une grand partie était transformé en fromage tous les tous les deux jours. La production annuelle était de l’ordre de d1 tonne par an (20 litres pour 1 kilo de fromage)
o    8 à 10 cabris et agneaux par an pour renouvellement du troupeau et consommation familiale,
o    De la laine pour le tricotage de vêtements,
o    Du cuir pour divers usages.

Alimentation : mise en pâture de la fonte des neiges au printemps, puis montée à la maison annexe en même temps que les vaches jusqu’aux premières chute de neige. Pendant la saison d’hiver : foin + liasses, (fagots de branches de frênes, tilleuls, planes,   ) qui étaient coupées chaque automne avant la chute des feuilles. Les liasses étaient stockées dans les granges avec le foin.

Les soins et la garde étaient souvent attribués aux enfants et adolescents qui devaient, pendant les périodes scolaires, les mettre hors de l’écurie le matin et les récupérer le soir après l’école.

Le bétail
6 vaches
Production : les 6 vaches de race tarine, produisant en moyenne 15 à 18 litres de lait par jour. La production variait suivant les saisons et selon le fait qu’elle devait ou non nourrir un veau. L’essentiel du lait était transformé en beurre et fromage tous les deux jours. En attendant, le lait était conservé au fraidier, petit bâtiment séparé dans lequel coulait de l’eau pour le tenir « au frais » ou une pièce sur l’arrière avec une paroi à clairevoie au nord de la maison., Pour faire 1 kg de beurre, il faut récupérer la crème de 22 litres de lait. Le lait écrémé servait ensuite à la production du fromage à raison de 12 litres pour 1 kilo de tomme. Le petit-lait constituait une partie de l’alimentation des cochons, raison pour laquelle ils suivaient les vaches quand elles allaient à la maison d’estive.
La ferme pouvait produire de l’ordre de 1 tonne de beurre et 2 tonnes de fromage.

Gestion du troupeau :
Les vaches étaient gardées 4 à 6 ans puis vendues pour la boucherie.
Chaque année 2 veaux étaient élevés sous la mère, pour la vente
1 ou 2 génisses étaient gardées pour le renouvellement du cheptel.
Alimentation : en champs autour des maisons après la fonte des neiges. Les bêtes sont gardées pendant les horaires de pâture pour veiller à ce qu’elles mangent tout ce qui se trouve dans la parcelle. À partir de mai, elles sont montées à la grange avec écurie qui jouxte la maison d’estive. Elles vont y rester jusqu’à l’automne, avec le même régime : traite le matin puis gardées « en champ » pendant environ 2 heures, retour à l’écurie et en fin d’après-midi, traite et « en champs ».

Pendant la période ou les vaches pâturaient près de la maison principale, la garde était confiée aux femmes qui emportaient un « ouvrage » : tricotage d’un habit ou réalisation de dentelles qui étaient vendues à une dentellière.
Pendant la période ou les vaches étaient près de la maison d’estive, une personne ou deux personnes (souvent une âgée et un adolescent) y logeaient et étaient chargée de la garde, la traite, la transformation du lait, le changement de litière. D’autres membres de la famille venaient pour une ou plusieurs nuits, pour aider ou réaliser les travaux à faire près de cette maison,     mais sans rester en permanence.

L’hiver, les bêtes étaient rentrées en bas à l’écurie et nourries au foin.

Un mulet et/ou un âne
Animaux de trait, ils étaient à l’écurie avec les vaches, mais leurs activités étaient les transports et travaux de force de toute nature. De ce fait, ils étaient en haut ou en bas selon les besoins.

Le fourrage
Six vaches, une dizaine de moutons et chèvres, un mulet, un âne. Il fallait préparer et stocker des quantités importantes de fourrage, pour nourrir tout le bétail pendant la période des neiges qui pouvait durer de 5 à 6 mois :
·      Couper à la faux dans les champs et à la faucille près des clapiers ou murs,
·      retourner à la fourche, puis ratisser au râteau pour faire des lignes de regroupement (les andins)
·      transporter au friquet ou en ballots jusqu’aux granges

Les granges d’en haut servaient pour abriter le bétail la nuit durant l’été et à stocker du fourrage pour l’hiver qui était descendu sur les luges dans des filoches (genre de filets en cordes), à mesure des besoins.

À noter que la qualité nutritive du foin était très supérieure à celle d’aujourd’hui pour deux raisons :
·      le travail à la main secoue moins fortement le foin que les coupes et récoltes mécaniques avec comme conséquence qu’il perd moins de graines, partie la plus nourrissante de la plante,
·      les champs étaient retournés et réensemencer tous les trois ans, car les plantes deviennent moins productives au fil des années.
Les cultures
La première opération pour toutes les plantes cultivées est le labour. Il fallait :
o   Apporter et étendre le fumier amené avec un traineau tracté par le mulet,
o Labourer avec des vaches, animaux puissants, lents et calmes. Le mulet n’est pas bien adapté pour ce travail, car trop vif. Toutefois, si le terrain était vraiment dur, le mulet était mis à contribution, attelé devant les vaches

Si la pente est trop forte, le mulet ou l’âne ne peuvent pas tirer le traineau chargé de fumier qu’il faut monter en ligne directe pour ne pas verser. En plus, il faut aussi remonter la terre dégagée lors du creusement du premier sillon, pour combler le dernier. Des jeux de poulies étaient alors installés, fixés à des arbres ; ce dispositif permettait de monter plus facilement le traineau, le mulet ou l’âne tirant le câble à la descente

Le froment
Cultivé pour l’alimentation humaine, les semences étaient rachetées périodiquement (+/- 3 ans) aux colporteurs. Venant de Savoie par La Rochette, ils remontaient la vallée du Haut Bréda puis la Combe-Madame, passaient le Col de la Croix, descendaient au Col du Glandon puis se dirigeaient soit sur la vallée des Villars, soit sur Bourg d’Oisans. Autrefois, le Col de La Croix était un axe marchand important entre le Dauphiné et le royaume de Piémont-Savoie, d’où la présence de 8 douaniers au recensement de 1856 évoqué au début de cet exposé. Ils logeaient à La Martinette. Après l’arrêt du colportage, la vente sur catalogue prit le relais.

Les récoltes se faisaient à la faucille et le transport sur des draps pour ne pas perdre de grains. Puis le blé était battu au fléau et, à partir des années 1930, progressivement les batteuses mécaniques se sont imposées. Les années avec une très mauvaise météo, si la récolte ne mûrissait pas naturellement, il arrivait qu’elle soit « finie » au four pour obtenir une graine apte à être moulue.
Le vannage pour séparer le grain de la paille se faisait avec un panier spécial puis plus tard avec un van mécanique, entièrement en bois de fabrication locale. La paille servait de litière pour les bêtes.

Les grains étaient transportés à l’un des moulins de la vallée pour être moulus. Il fallait ensuite procéder à l’opération de blutage, séparation du son et de la farine. Le son était destiné à l’alimentation des cochons et des vaches.

Les « Forges et Moulins de Pinsot » dispose d’une installation encore en état de marche pour ces opérations.

Fabrication du pain :
Avant 1793, le seigneur local (pour la vallée, le comte de Barral) avait l'obligation de construire, entretenir et mettre à disposition de tout habitant de la seigneurie fours, moulins et pressoirs. Le seigneur avait la charge de « banalité ». En contrepartie, les habitants de la seigneurie qui n’avaient pas le droit de posséder de telles installations, étaient obligés d’utiliser celle du seigneur contre redevance, la « fournée » pour le pain. Pour éviter de payer trop souvent la « fournée », le pain était cuit seulement une fois par mois.
Il y eut ensuite des fours communautaires de hameau ou des fours individuels en pierre. Plus tard, entre les deux guerres apparut le four métallique qui demandait moins d’entretien et pouvait être déplacé en cas de modifications des bâtiments
Le pain était cuit en boule ou galettes épaisses pour mis dans un râtelier suspendu au plafond pour la conservation hors de portée des rongeurs

Le seigle
Le seigle était cultivé dans les terres les plus hautes, jusqu’à 1 400 m d’altitude. Il était toujours battu au fléau et vanné manuellement pour ne pas casser la paille. Le grain était moulu, la farine servait surtout à l’alimentation animale et un peu pour cuire du pain de seigle. La paille avait deux utilisations principales : en bottes pour faire les toitures en chaume de granges et tressée pour fabriquer : ruches, récipients divers, paniers...

L’avoine, le maïs
Ces deux céréales étaient destinées essentiellement à l’alimentation du bétail. Le type de maïs cultivé était souvent coupé à 80/90 cm de haut et la plante entière, même si les épis n’étaient pas mûrs, servait de fourrage pour le bétail.

Le chanvre
Plantes à hautes tiges souvent 2 mètres. Production pour faire les cordages. Les tiges traitées étaient données au cordelier

Les pommes de terre
Les pommes de terre étaient l’un des aliments de base : alimentation humaine et alimentation des cochons et des poules. Pour couvrir ces besoins, il fallait en produire environ 2 tonnes par an.
Cultivées jusqu’à 1 300 m, les parcelles étaient fumées et labourées puis hersées. Une fois les parcelles préparées, des lignes parallèles étaient tracées une sorte de râteau à trois dents, tiré par une personne, puis deux personnes suivaient, l’une avec une pioche pour soulever la terre, l’autre avec des pommes de terre dans le tablier pour en glisser une dans chaque trou.
Deux sortes de pommes de terres étaient cultivées : des petites pour l’alimentation du bétail, des grosses pour l’alimentation humaine. Les fanes étaient données au bétail.

Les betteraves
Le terrain se préparait comme pour les pommes de terre et les semis se faisaient au printemps « quand les feuilles de frênes font la croix ».
La betterave fourragère en plein champ était semée en plein champ pour l’alimentation animale. Elle était donnée crue et râpée pour les lapins, cuites pour les cochons. Les feuilles étaient données au bétail.
La betterave potagère rouge était destinée à l’alimentation humaine : racines râpées, feuilles cuites

La luzerne
Après les récoltes, une partie des champs étaient hersés pour semer de la luzerne qui complétait l’alimentation du bétail.

Plantes des zones humides et marais
Signalons encore la récolte des plantes de zones humides de la famille des roseaux qui servaient au paillage des chaises et à la litière des animaux.
Dans ces zones, la division des terres étaient faite de manière à ce que les propriétaires alentour puissent chacun avoir un accès à une partie de la ressource.

Les fruits
Il y avait de nombreux vergers ; trois arbres fruitiers produisaient bien dans la vallée : pommiers, poiriers, pruniers sous réserve de planter les espèces adaptées au climat. Plus difficilement venaient des cerisiers donnant un peu de cerises noires. Les cerisiers produisaient bien autour d’Allevard : fabrique de kirch à la Chapelle du Bard.
Au bas de la commune de La Ferrière et sur Pinsot, on avait des noyers. Les Forges et Moulin de Pinsot produisent encore pour les « touristes » de l’huile de noix à leur moulin. Certaines familles avaient aussi l’accès à des récoltes hors de la commune par propriété de parcelles ou arrangement avec des voisins ou parents, comme des châtaigniers sur Saint Pierre d’Allevard. Le ramassage des châtaignes se faisaient en deux temps :
·         les fruits dans les bogues étaient mis en tas : l’opération était le biotage des châtaignes (Biot = bogue en patois). Le jour de cette opération, départ de Montarmand vers 4 heures du matin, descente à pied pat La Vie Plaine, le Jeu de Paume puis Montgoutoud et retour le soir après le travail.
·         Trois semaines plus tard, les bogues s’étaient ouverts, les fruits étaient collectés puis chargés dans des paniers. Ils étaient remontés sur le barotin avec le mulet et mis dans le puits à châtaigne dans la cave de la maison.
Certaines familles avaient des vignes sous la Tour du Treuil ou vers la Chapelle du Bard. Travailler la vigne qui n’est pas à proximité : tailler, vendanger, presser, mettre en bouteilles, …. beaucoup de travail annexe pour un vin ?

La chasse
La chasse était peu développée, car la forêt restreinte. Néanmoins, il était possible de se procurer des compléments alimentaires en chassant :
·      Le chamois, mais à l’époque au-dessus de 2 000 m,
·      La marmotte, chasse difficile car il faut faire des repérages d’entrées de galerie d’hiver. Récompense, avec certaines recettes, c’est bon !
·      Le sanglier, rarement et suivi à la trace l’hiver
·      Le coq de bruyère, un incontournable des repas de noces
·      Le lièvre blanc
Les nuisibles comme le renard ou la fouine étaient chassés par opportunité et nécessité, mais n’étaient pas mangés dans la région.
Le chevreuil n’est apparu dans la vallée qu’en 1953, le bouquetin dans les années 1990, le cerf dans les années 2000.

Un peu de cueillette
Peu de fruits sauvages comme la myrtille ou la framboise, car les surfaces non cultivées ou pâturées n’étaient pas importantes, il y avait cependant la cueillette de plantes divers ou de feuilles médicinales.

Les travaux divers
Outre les travaux agricoles, il fallait aussi entretenir les bâtiments avec chacun son rôle :
Aux enfants de 10 à 15 ans : le collecte des pierres sur les clapiers avec le traineau et le mulet
Aux femmes : l’approvisionnement des lauzes en ardoise
Aux hommes :
L’extraction du sable au Bréda
La construction des murs
La coupe des arbres
La fabrication de charpentes,
etc

Les hommes fabriquaient aussi  
§  outils et objets usuels en bois :
§  finitions des galoches et sabots, pose du dessus en cuir sur les semelles taillées à La Ferrière,
§  des meubles et installations diverses dans la maison ou les granges.

Les femmes produisaient :
·      les vêtements à partir de la laine qu’elles filaient et de tissus achetés
·      des gants avec la découpe des peaux et la couture
·      de la dentelle, le soir ou pendant la garde des bêtes en champs.
Gants et dentelles étaient faits pour le compte de gantiers, modistes, ….de La Ferrière puis d’Allevard.
L’école
6 à 14 ans, les enfants allaient à l’école primaire
·      descente quotidienne à pied à La Ferrière
·      casse-croute au café
·      retour dans l’après midi
·      fin après-midi, travaux tels que garde des bêtes
·      pendant les vacances : travaux toute la journée
·      en culottes courtes et galoches été comme hiver (molletières)

Après 14 ans, les familles les plus riches pouvaient envoyer les enfants au cours moyen à Allevard ou Saint-Pierre avec mise en pension chez des habitants. Peu d’enfants pouvaient y aller, car il fallait payer la pension.
Pour la plupart, ils quittaient l’école à 14 ans pour travailler à temps complet à la ferme ou aller s’embaucher ailleurs.

En conclusion

La ferme que nous avons imaginée était une ferme « importante » pour la vallée. Les productions de la ferme et les compléments de chasse ou de cueillette permettaient à la famille de bien vivre. Une fois les besoins de la famille satisfait, les surplus étaient vendus directement et localement à d’autres habitants, tels que œufs, fromage, beurre. Quelques bêtes étaient vendues à des négociants : veau élevés sous la mère, vaches réformées, agneaux ou cabris. Les produits de ces ventes permettaient les achats indispensables de tissus, d’outillages en fer, de quincaillerie, … qui ne pouvaient pas être produits sur place
Les achats alimentaires se résumaient aux produits suivants : sel, sucre, huile, café. Mais en période de restrictions comme pendant les guerres :
·      Les achats d’huile étaient remplacés par la culture d’œillettes, plante produisant une grosse fleur remplie de graine, (pressoir à Allevard). L’huile d’œillettes est encore produite de nos jours dans le nord de la France pour des applications industrielles, notamment en peinture.
·      Les achats de café étaient remplacés par la chicorée produite localement,
·      Les achats de sucre étaient remplacés partiellement par l’augmentation du nombre de ruches pour faire des préparations sucrées.

Pour vivre « juste », une telle famille aurait pu se contenter de l’ordre de 5 à 6 hectares + les droits de pâture dans les communaux. En dessous de cette taille, il devenait très difficile de vivre sans revenus annexes comme l’entretien des chemins communaux confié par la Mairie. Pendant longtemps, l’exploitation du fer et tous les travaux et métiers induits avaient permis à de nombreuses familles de subsister dans la vallée avec des surfaces agricoles plus faibles. Mais les mines disparaissant, il n’était plus possible de vivre sans une surface d’au moins 0,5 ha par personne, d’où l’exil de tout ou partie des familles à mesure de la fermeture des mines : région de St Etienne, Espagne puis Algérie
Dans de nombreux dossiers de candidature pour l’Algérie, on trouve dans les descriptions de biens de la famille, des propriétés agricoles de 3 ou 4 hectares avec un chef de famille qui déclare un métier complémentaire pratiqué hors saison agricole.










le bureau de l'AMPA et la galette tradionnelle

  Les membres des Amis des Musées du Pays d'Allevard,  ont partagé la traditionnelle galette avec quelques invités: Yves de Bossoreille ...